né en 1971, vit et travaille à Marseille et ailleurs
RĂ©sidence et exposition : octobre 2011 Ă mai 2012 : Centre Richebois, Marseille 13016
Centre Richebois
Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner... De l’automne 2011 à l’été 2012, tous les quinze jours, j’ai travaillé au Centre Richebois une journée entière, du matin au coucher du soleil. Dans la matinée et dans l’après-midi, j’ai mené des ateliers de pratique artistique avec quatre groupes de stagiaires en formation (environ 25 personnes). Dans l’entre-deux, les temps morts et les prolongations, j’ai mené en images une recherche de création. Je suis parti faire un tour, je reviens tout à l’heure... Appareil en main, autour du cou ou posé sur un pied, je marche, je parle, j’entre, je sors, je regarde, je m’arrête. Je prends le temps (de rien), j’imagine (pour faire image) et je mène une enquête sans objet ni commanditaire (ça me pose des questions). Commencer par faire le tour du « propriétaire » (mais comment faire le tour d’un centre ?) : arpenter le site, ses entrées, ses sorties, le bâti, les salles de formation, l’accueil avec sa machine à café et le standard, les nombreux couloirs, les escaliers et les chemins qui montent et qui descendent, les bureaux, la boutique, les ateliers, les terrasses, les ascenseurs intérieurs et extérieurs, les points de vue panoramique, les impasses, les parkings, les chambres, la cantine, les toilettes, les barrières, les grillages, la salle TV, les accès automobiles extérieurs et les paysages sublimes dans le vent... Donc : pas de préméditation mais se laisser traverser par les situations imprévisibles ; refuser la représentation et tenter le jeu d’une figuration provisoire ; proposer par l’image autant une vision directe de la sensation qu’une véritable lecture à la lettre. A travers ce protocole d’enquête, j’ai cherché à formaliser un échantillonnage de l’espace-temps, de mon quotidien au centre. Cette recherche donne lieu aujourd’hui à un journal presque tout en images avec une page-texte d’Esther Salmona (écrit a posteriori). Cette œuvre formalise en 24 pages et en 5 000 exemplaires cette expérience au centre Richebois — au regard de l’image. Dans cette œuvre, il n’y a pas d’image seule. J’ai choisi de refuser que l’image soit unité et totalité, soit « une et toute » et reconnaître la puissance de l’image comme ce qui la voue aux multiplicités, aux écarts, aux différences, aux connexions, aux relations, aux bifurcations, aux altérations, à une traversée de biais.
A la prise de vue, j’ai cherché à produire une suspension des situations, un décrochage des lieux, des temps et des espaces à travers des images qui s’appréhendent d’abord comme des détails. Les situations ont toujours été appréhendées dans une décontextualisation permanente, comme une extraction du centre en vue d’une mise en mouvement, d’une possible circulation. Ici, le détail n’est jamais un point de détail, ni un détail représentatif, ni signifiant, ni ostentatoire, mais une instance : le détail insiste. Il se manifeste comme un programme d’action contre l’immédiateté évidence du visible et du visuel. Cette approche du détail a présupposé un sujet (l’artiste) qui « taille explicitement » un objet — le centre. Dans ces détails-images, j’ai cherché à produire une sculpture de surface — une découpe des volumes à leur surface, un échantillonnage ordonné d’un désordre provisoire.
Ce journalquotidien fonctionne sur une Ă©criture en images dont le noyau dur est ici la double page — un espace oĂą l’image ne peut naĂ®tre que du rapprochement improbable, arbitraire et dĂ©cisif de deux images plus ou moins Ă©loignĂ©es, oĂą ces rapports cherchent Ă ĂŞtre le plus lointains possibles — par des effets de coupures, disjonction et de tensions.Â
Ce journal, est d’abord une exposition : une exposition mobile, « gratuite ». Il sera diffusé dans tout le Centre Richebois (donné à tous ses usagers) et au dehors, à ses alentours qui s’appellent encore la ville.